Ukraine : Macron, premier soldat de Poutine

29/03/2022
Image:Ukraine : Macron, premier soldat de Poutine

La fameuse « alliance russe »
Complicité criminelle avec Vladimir Poutine

La fameuse « alliance russe », datant d’avant 1900, fait encore des petits, en Françafrique, mais aussi dans le Donbass, où il apparaît que les forces spéciales du COS sont engagées aux côtés de l’armée russe. Ainsi, le Président de la République serait lui aussi directement responsable des crimes de guerre qu’il n’aime pas qu’on reproche à son ami Poutine.

Disons-le tout net : l’ambiance est exécrable autour de cette guerre ukrainienne. On parle de propagande, et c’est rien de le dire. Nouvel avatar de cet exercice abject, une nouvelle chaîne qui annonce la couleur pourtant, Livre Noir, « le média 100 % indépendant de la droite conservatrice ».

Droite conservatrice, c’est sûr, avec Marion Maréchal-Le Pen et Éric Zemmour en tête d’affiche, cette chaîne YouTube disposant manifestement de beaucoup de moyens, aurait été lancée en même temps que la candidature Zemmour, pour sa « reconquête ».

On l’aura découverte, cette chaîne revendiquée d’extrême droite, au hasard d’un documentaire dont le sujet pouvait sembler intéressant : la bataille de Marioupol. Le journaliste prétend avoir fait un parcours très compliqué, par la Moldavie et l’Ukraine, pour finalement se rendre « au cœur des forces russes du Donbass » en passant simplement par la Russie, mais il est toujours bon de brouiller les pistes quand on fait de la propagande pure et dure tout en prétendant à la plus grande « impartialité ».

La seule chose de réellement instructive dans cette demie-heure de film superbement montée, mise en scène et en musique, hormis les moyens déployés en un temps record, ce sont les images qui, inévitablement ne montrent que la destruction massive de cette ville effectivement rasée — on n’avait pas rêvé, Poutine n’y a pas été avec le dos de la cuiller, suivant la recette de Stalingrad, comme à Grozny, en 1999-2000, et comme à Alep, en 2012-2016 — de Marioupol il ne reste que quelques immeubles et beaucoup de gravats. Les commentaires obscènes du « journaliste », présentant les troupes russes en libératrices sur ce champ de décombres, ne sont pas toujours aussi convaincants qu’ils le voudraient, mais reconnaissons que c’est relativement bien ficelé. Les nationalistes ukrainiens y sont invariablement présentés comme des salauds qui profiteraient d’être au sein de la population pour s’y abriter comme des lâches, usant et abusant de « boucliers humains ». Lorsqu’une ville de près d’un demi-million d’habitants est bombardée aussi massivement, on voit que les services de propagande de l’armée ne lésinent pas sur la mauvaise foi.

Car, de toute évidence, ce sont les très importants moyens que l’armée française réserve pour la « communication » qui ont été mobilisés là pour assurer une production confortable. Ce n’est qu’à la dixième minute que celle-ci tombe le masque en donnant la parole à un « ancien officier de l’armée française » — toujours d’active si on en juge par son uniforme, et la légende précise qu’il serait « soldat du NVD ». Et nous explique même ce qu’est ce « NVD » auquel participe ce soldat français : c’est la « police de la république autoproclamée de Donetsk ». Mais, cerise sur le gâteau, on nous dit même où était affecté ce monsieur « avant » quand il était « officier de l’armée française » : au « 13e RDP ».

Pour se faire une idée de ce que ceci veut dire, on peut faire un détour par Wikipedia, où ce 13e Régiment de dragons parachutistes (13e RDP) bénéficie d’une fiche plutôt instructive. Unité d’élite, c’est aussi une des plus anciennes, remontant à… 1676 où il s’appelait « régiment des dragons de Monsieur », pour trouver son nom de « 13e régiment de dragons » en 1791, après la Révolution. Il se serait distingué à la bataille de Jemappes, première victoire de la France révolutionnaire, après la plus fameuse, mais non moins ambigüe pseudobataille de Valmy. Mais c’est plus près de nous en 1952 qu’il prendra son visage actuel en devenant une des premières unités de parachutistes, de ces « paras » qui se distingueront au long des guerres d’Indochine et d’Algérie, connus en particulier pour leur violence, pour le recours à la torture et pour leur positionnement idéologique, extrêmement droitier.

Spécialisé dans le renseignement depuis 1963, de nos jours, le 13e RDP dépend directement du chef d’état-major des armées, et travaille plus particulièrement pour la Direction du renseignement militaire (la DRM), sous le commandement des opérations spéciales, le COS. Créé en 1992, ce COS, désormais assez connu, est une structure permettant de court-circuiter l’ensemble de la hiérarchie militaire pour piloter des unités d’élite, tel ce 13e RDP, sous la direction du chef d’état-major des armées, aujourd’hui le général Burckardt, chargé de transmettre les ordres de la Présidence de la République. C’est tout le sens de ce dispositif que de permettre au Président de disposer des meilleures unités de l’armée en totale discrétion, la chaîne de commandement, très réduite, comme l’ensemble des interventions, étant sous « secret défense ». Rappelons qu’en 1992, le président de l’époque, François Mitterrand, avait deux problématiques très délicates à gérer, l’une en Bosnie et l’autre au Rwanda. La DRM, créée cette même année 1992, et le COS, seront les bras armés de la politique élyséenne, et l’on sait maintenant que ce n’était que pour le pire, Mitterrand s’engageant alors avec les forces génocidaires rwandaises en même temps qu’il soutenait les praticiens de la « purification ethnique » en Bosnie. On a pu qualifier le COS de force « discrétionnaire » au service de la présidence de la République, permettant au locataire de l’Élysée d’ordonner les « opérations spéciales » les plus secrètes, sans que le gouvernement ou même l’état-major (à l’exception du chef d’état-major des armées) en soient informés, ni, bien sûr, le Parlement. Encore moins la presse ou le public. Ainsi, après plus d’un quart de siècle, on peine toujours à voir clair dans les entreprises criminelles du COS au Rwanda ou en Bosnie, même si on finit par en connaître un bout, et bien assez pour savoir combien ce « secret » recouvre de scandales inavouables.

Le 13e RDP est composé d’environ 700 hommes. La devise du régiment « Au-delà du possible… » Composé de sept escadrons très spécialisés qui ont aussi leurs devises. Celles-ci donnent une petite idée de l’ambiance : « Encore plus loin… », « Souvent aigle, toujours lion », « Par la ruse et non par la force », « Ce que tu veux être, il faut le vouloir », « Toujours partout », « Comprendre et expliquer ». Et ils ont aussi un chant qui se termine significativement par ces trois vers : « C’est ça notre destin/C’est de vivre en clandestin/Silence, discrétion, c’est notre but ».

Avec le très fameux « 11e choc », le 13e RDP constitue l’armature du « renseignement », celui-ci devant se comprendre comme un mélange subtil d’interventions militaires « en profondeur », souvent immergées en territoire hostile, et de « renseignement humain », en fait très politique. Ces « espions » de haut vol sont formés à faire la guerre multidimensionnelle. Ils participent aussi bien à des massacres, comme on a vu au Rwanda, qu’à des opérations « humanitaires » ou de simple « police », comme à Marioupol. Surtout, ils sont formés à prendre toutes les identités et ne jamais s’émouvoir du rôle qu’on leur fait jouer. Souvent « mercenaires », comme là, éventuellement « logisticiens » pour « Médecins sans frontières » ou tout autre organisme caritatif, ils adoptent toutes les couvertures qu’il faut pour garantir au Président de pouvoir mener la politique qu’il souhaite sans avoir à rendre de compte.

Quant au mercenariat, il faut savoir que c’est en fait une activité très encadrée — heureusement, faudrait-il dire —, puisqu’elle est contrôlée rigoureusement par ce service de l’État qu’on appelait jadis la « sécurité militaire », redénommée en 1981, par Mitterrand, DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la Défense), pour changer de nom à nouveau en 2016, sous François Hollande, après le Bataclan, pour s’appeler maintenant DRSD (Direction du renseignement et de la sécurité de la défense). Or, une des fonctions essentielles de la sécurité militaire, c’est précisément de contrôler les trafics d’armes et de mercenaires. Un « soldat de fortune » ne peut pas monter dans un avion avec son équipement sans un visa de l’actuelle DRSD. De même, il ne peut accepter de contrat, effectuer de voyage, et d’une manière générale faire son métier qu’avec l’aval de cet organisme. Ainsi, l’idée reçue qui voudrait qu’un « mercenaire » puisse agir indépendamment de la volonté de l’État est une idée fausse, souvent battue en brèche, par exemple lorsque ceux-ci écrivent leurs mémoires ou lorsqu’ils ont des ennuis avec la justice. On se souvient ainsi du fameux Bob Dénard, dont les mémoires s’intitulaient Corsaire de la République, qui pouvait bénéficier lors de son procès du témoignage de Jacques Foccart, confirmant là que ce « corsaire » avait toujours agi en accord avec les autorités, en l’occurrence lui-même, bras droit du général de Gaulle.

Une autre « idée fausse » sur ce que peut être un « ancien du 13e RDP » serait de penser qu’il puisse avoir quitté son service. À ce niveau d’intégration dans le « secret défense », aucun de ses agents ne peut le « quitter », sauf au péril de sa vie, mais justement comme ils y sont généralement attachés et que leur endoctrinement est plus-que-parfait, cela n’arrive tout bonnement jamais. Cette « idée fausse » avait été mise en circulation en particulier lorsqu’on a appris que de nombreux agents de ces forces très spéciales faisaient partie des cadres de l’État islamique, et se battaient ainsi aux côtés de Daech, à Raqqa, il y a quelques années. On se souvient en particulier d’un d’entre eux, identifié comme ayant assuré la formation d’un des frères Kouachi au Yémen, quelque temps avant que ceux-ci ne liquident la rédaction de Charlie hebdo…

Mais la liste des crimes attribuables à ces agents très spéciaux est d’autant plus difficile à établir qu’ils agissent toujours sous un régime de très haut secret défense, considéré comme généralement « stérile », c’est-à-dire ne laissant prise à aucune incrimination, n’agissant qu’avec des instructions orales qui ne laissent pas de traces écrites, et obéissant à une discipline de fer telle que même leurs familles et leurs proches ne savent jamais ce qu’ils font. Lorsqu’ils se hasardent à produire des « mémoires », celles-ci sont soigneusement révisées par leur service de façon à ne « révéler » que ce qu’il est opportun de « révéler ». S’ils parlent, c’est toujours sur ordre.

Intéressant à cet égard l’intervention de ce soldat des forces spéciales françaises, en pleine bataille de Marioupol, officiellement inscrit dans les rangs des forces prorusses. C’est que l’alliance russe n’est un secret pour personne dans les forces armées françaises. Elle a d’ailleurs atteint un degré étonnant ces dernières années, lorsqu’on a vu leurs homologues russes, les « mercenaires » de « Wagner », considérée comme l’armée privée de Vladimir Poutine, prendre du service d’abord en Libye, aux côtés de notre « allié », le « maréchal » Haftar, reçu moult fois par Macron et Le Drian, et très officiellement à l’Élysée, qui échouera à conquérir Tripoli en dépit du renfort fourni par « Wagner ». Il apparut alors que ces nazillons ex-soviétiques étaient en fait de bien plus piètres soldats qu’on ne pouvait l’imaginer au vu de leur brutalité.

Cela n’aura pas du tout amoindri leur crédit à l’Élysée puisqu’ils ne se retrouveront bientôt avec rien de moins que la concession d’un pays, la Centrafrique, où ces forces spéciales russes remplaceront les forces spéciales françaises, que Macron commençait à désengager de la région. Ainsi, du jour au lendemain, on verra un colonel russe, employé de Wagner, remplacer un colonel français dans le bureau jouxtant la présidence fantoche centrafricaine, pour y exercer les fonctions de gouverneur du pays précédemment assurées au même endroit par des officiers français (un scandale qui durait sans interruption depuis la chute de Bokassa en 1979…) La passation est si bien engagée qu’on enseigne déjà le russe dans les écoles centrafricaines, et il est question que cette langue devienne deuxième langue officielle du pays… Il est vrai que le bilan de la gestion française n’était pas brillant et qu’il était grand temps de se désembourber de ce malheureux pays ravagé par plus d’un demi-siècle de néo-colonialisme particulièrement destructeur.

La transmission à « Wagner » des responsabilités de l’armée française dans la région ne s’arrêtera pas là, puisque c’est la même opération qui s’est engagée au Mali pour accompagner le retrait officiel de Barkhane, et il semble bien qu’au Burkina Faso aussi, les mercenaires nazis russes soient devenus les nouveaux soutiens d’un État qu’on considérait jusque-là comme faisant partie lui aussi du « pré carré » françafricain (au point d’y liquider l’indocile Thomas Sankara, en 1987, vraisemblablement sur ordre de Mitterrand).

On sait comment la diplomatie française s’oppose ces jours-ci à la diplomatie américaine, plus agressive envers Poutine, Macron et Le Drian se scandalisant des propos de Joe Biden venu en Europe pour siffler la fin de la récréation. Plutôt scandaleux à cet égard l’argumentaire français, considérant qu’il faut poursuivre le dialogue que Macron et Le Drian entretiennent avec Moscou dans l’espoir qu’à un moment Poutine comprenne qu’il ferait mieux de modérer ses ardeurs. Cette grande courtoisie serait amusante si elle ne s’accompagnait d’un soutien sans faille, Total assumant publiquement de ne pas se retirer de Russie en dépit des critiques virulentes émises contre cette collaboration active à la guerre ukrainienne. Qu’Emmanuel Macron ait envoyé des forces spéciales françaises pour combattre aux côtés des proRusses du Donbass est un détail supplémentaire qui mérite dénonciation publique. Le fait qu’aujourd’hui la seule intervention officielle de la France consiste à tenter d’évacuer la population civile de Marioupol dit tout quand on sait que c’est le principal problème des forces russes, qu’elles attaquent là une ville fortement peuplée dont l’essentiel des bâtiments a été rasé, mais dont il reste à supprimer sa population pour en faire une région russe…

Le Président de la République aurait ainsi grand intérêt au renouvellement de son mandat, pour continuer à bénéficier de la scandaleuse impunité dont bénéficient constitutionnellement les chefs d’État, car il y a là un dossier largement suffisant pour instruire plus qu’une simple complicité avec la politique criminelle de Vladimir Poutine.

MS

Illustration :
Le président russe Vladimir Poutine avec le président français Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg le 24 mai 2018, www.kremlin.ru

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