Commentaire : Comment l’Afrique se paye l’Elysée

Ad Nauseam - 12/08/2012
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La France post-coloniale, la république des valises
A propos d’un compte-rendu de Michael Schmidt

Il nous semble intéressant de vous proposer ci-dessous un article de Michael Schmidt du 23 avril 2012 qui revient sur la corruption, l’un des piliers du système "françafricain" et de la Ve République.

Nous apporterons cependant quelques commentaires concernant les propos de Stephen Smith en bas de page*, sur lesquels nous vous invitons à réagir (via le forum ou par e-mail).

(...) le scandale de la Françafrique, ce n’est pas la perpétuation d’un système occulte de privation des indépendances africaines, ce n’est pas la guerre menée par la France contre les populations africaines pour leur imposer des dirigeants choisis selon l’unique critère de la docilité envers la puissance néocoloniale. Non, le scandale, c’est, comme nous l’apprend Stephen Smith, que les dirigeants africains, par l’entremise du système des "valises" et donc de la corruption, vont étendre leur influence sur le monde...

Ad Nauseam

Il semblerait que depuis peu, en Afrique, on ne serve plus la soupe exactement dans l’ordre habituel.

De curieux renversements s’effectuent en effet, dont le moindre n’est pas celui du Portugal, suppliant son ancienne colonie, l’Angola, de lui venir en aide ; ou encore de voir des citoyens européens se repliant sur leurs colonies de jadis pour fuir la crise dans leurs pays, et accepter des jobs sous-payés dans l’arrière-pays africain [1].

Mais il existe une relation bien plus ancienne et plus discrète entre Afrique et Europe qui renverse l’image convenue de leaders africains corrompus par l’aide européenne. Ce phénomène est celui de la valise [en français dans le texte], système par lequel depuis un demi-siècle les dictatures africaines ont envoyé des millions en France pour corrompre le processus politique européen.

Le premier tour des élections françaises se tiendra le 22 avril prochain. On

s’attend que le candidat socialiste François Hollande prenne le dessus sur le

président gaulliste sortant Nicolas Sarkozy, sans obtenir toutefois de majorité

préparant le décor à une fuite de capitaux en mai.

Toutefois, les électeurs français connaissent le système de la valise, il est donc intéressant d’examiner ce phénomène si bien intégré à la conduite des affaires franco-africaines, et qui semble encore perdurer.

Le 5 octobre 2011, le Centre d’Etudes Françaises et Francophones de la Duke University (Caroline du Nord) organisait un débat intitulé « les colonies rendent la monnaie de la pièce : culture et corruption dans les relations franco-africaines ».

Cet article reprend des extraits de ce débat.

Michael Schmidt

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La France post-coloniale, la république des valises

Philippe Bernard, ancien correspondant du Monde en Afrique, entama le débat en faisant la remarquer que Robert Bourgi [2], conseiller « non-officiel » de Sarkozy, avait accusé (septembre 2011) son prédécesseur Jacques Chirac et son premier ministre Dominique de Villepin, d’avoir reçu d’énormes pots-de-vin sous la forme de valises remplies d’espèces, pendant la mandature conservatrice de ces derniers (1995-2007), aux fins de financer la campagne de Chirac.

Cinq états d’Afrique de l’Ouest et Centrale étaient concernés - Congo, Burkina Faso, Sénégal, Côte d’Ivoire et Gabon. Dans une interview à Canal+, Bourgi soutenait également que la campagne en 1988 de Jean-Marie le Pen du Front National (extrême-droite) fut en partie financée de la même manière. Chirac, autant que Villepin ont nié les allégations de Bourgi.

Selon la recension par le Telegraph [3] Bourgi, déclarait au Journal du Dimanche qu’il avait personnellement transporté des dizaines de millions de francs chaque année, les montants étant destinés aux courses à la présidence, sous-entendant par-là que le liquide était destiné aux campagnes de Chirac. « J’ai vu Chirac et Villepin compter l’argent devant moi ».

Le même Bourgi soutient qu’il fit passer des billets de la part de 5 présidents

africains : Abdoulaye Wade of Senegal [au pouvoir de 2000-2012] ; Blaise Campaoré du Burkina Faso [1987 à ce jour] ; Laurent Gbagbo de la Côte d’Ivoire [2000-2011] ; Denis Sassou Nguesso du Congo [1997 à ce jour] et Omar Bongo du Gabon [1967-2009], que M.Bourgi appellait « Papa ».

Ensemble, il prétend qu’ils auraient contribué à auteur de quelques 6,2 million de livres sterling à la campagne gagnée de Chirac en 2002.

Un sixième leader se serait joint au club des donateurs, le président Obiang N’Guema de Guinée équatoriale [1979 à ce jour] avant qu’un Villepin, rendu nerveux ne mette fin au système en 2005. Toujours selon Bourgi.

Ce dernier affirme avoir personnellement fait fonctionner le système pendant 25 ans, en échange duquel les dictateurs africains se voyaient accorder d’immenses réductions de leur dettes envers la France, une fois leur "sponsor" élus à l’Elysée.

Bernard pense que le système est né de concept de « Françafrique », ce mélange des genres entre intérêts français et africains.

Secret public depuis les libérations africaines des années 60, à partir desquelles des accords furent signés stipulant que la France userait de son influence pour défendre les régimes africains, tandis que ceux-ci donnerait une exclusive à l’ancienne puissance colonial sur ses matières premières et un droit d’intervention militaire, à l’occasion de menaces contre la sécurité africaine.

Dans les années 80, les gaullistes (opposés alors au gouvernement socialiste de François Mitterand) furent pareillement accusés de toucher un pourcentage des revenus du pétrole gabonais pour financer leurs campagnes - mais sans preuves.

Le professeur Stephen Smith, ancien responsable du bureau Afrique de Libération, et prédécesseur de Bernard au Monde, se souvient des rumeurs disant que « l’argent à destination du bureau du premier ministre étaient dissimulé dans des djembe. Ce bureau ne disposant pas de l’air conditionné, l’imaginer en train de compter son argent en bras de chemise est assez amusant ».

Plus sérieusement, Smith se souvient qu’en 1971, au tout début d’un règne qui ne devait finir qu’en 1993 Félix Houphouët-Boigny, président de Côte d’Ivoire avait fait don de « sacs d’argent » au gouvernement de Georges Pompidou.

Il y avait, dit Smith « une pratique continue, depuis Charles de Gaulle (au pouvoir de 1959 à 1969) à Giscard d’Estaing [1974-1981], jusqu’aux gouvernements libéraux actuels ». Tous soutenus par le système de la valise. « Ce qui revient, de fait, à un Etat postcolonial informel ».

Il faut se souvenir que cette période - la Vème république - fut créée en 1958 à la suite de la crise qui devait précipiter la France dans la guerre d’Algérie. Nous sommes donc face à un demi-siècle de dictateurs africains, installés et maintenus en poste par la puissance militaire française, qui grâce au pétrole d’Afrique et autres revenus, devait soutenir à son tour, une chaîne de régimes conservateurs en France.

Smith note toutefois que le système de la valise à l’oeuvre dans les 6 pays

mentionnés, était également relayé au moyen d’entreprises françaises présentes dans les anciennes colonies.

Les unes payaient les conservateurs gaullistes, tandis quels autres s’occupaient des socialistes et communistes. Etant donné la position stratégique de la France en Europe, son influence n’étant égalée que par l’Allemagne et la Grande Bretagne, quiconque est en mesure de se payer la présidence française, s’achète de fait également, une énorme part d’influence en Europe.

Les politiques progressistes des deux continents ont été rendues inopérantes par ces tractations secrètes. Smith raconte son premier scoop concernant les pratiques occultes du ténébreux Bourgi, pour Libération en 1995. Il s’agissait d’un papier expliquant la manière dont le dictateur zaïrois Mobutu se vit acquitter de ses dettes, hors de toute procédure. Mobutu « éleva son sceptre et je craignis qu’il ne me frappe avec ! ». Robert Bourgi touchait 600 000 euros de Mobutu, pour éteindre un feu et en gagnait un million supplémentaire pour m’empêcher d’écrire le livre que j’avais en cours.

« La comptabilité de Bourgi est impeccable, il ne fait affaire qu’en liquide, donc il y a peu de preuves disponibles ». L’argent du pot de vin devait être déposé sur des comptes Sud-africains ou libanais, raconte Smith.

La portée du pouvoir officieux de Bourgi était considérable. Smith raconte que lorsque Sarkozy voulut qu’on le prenne en photo avec Mandela - vieillissant, quasi-reclus et n’accordant que très rarement de photos - il suffit à Bourgi d’appeler « Papa » (Omar Bongo), qui persuada l’ancien président d’Afrique du sud de prendre l’avion pour Paris en 2007.

Élargissement du système de la Valise

Le Professeur Achille Membe, spécialiste de l’Afrique postcoloniale ajoute que la valise est un système de « corruption mutuelle qui a « menotté la France comme l’Afrique depuis des décennies ».

« La relation n’est pas seulement corrompue en termes d’argent - il s’agit d’une corruption culturelle qui a émasculé les sociétés civiles africaines en profondeur. Les perspectives sont les suivantes, la France dispose encore de bases militaires sur le continent avec les moyens de dégager un Gbagbo. Mais si elle doit payer le prix fort d’une intervention, elle y réfléchira à deux fois. »

La mainmise de la France sur le continent africain, selon Bernard, commence à être éclipsée (notamment par les États-Unis)[4] : ce qui impacte la monnaie francophone (le franc CFA) lié à l’euro en crise, ainsi que les entreprises françaises qui perdent leur exclusivité auprès des régimes africains, à mesure que le FMI reprend les rênes dans de nombreux pays, ou que la Chine, le Brésil et l’Inde déversent leurs investissements sur le continent.

Sarkozy lui, veut mettre un terme à un « réseau d’intermédiaires », tels que Bourgi « agissant comme une diplomatie parallèle ».

Pour Smith, la France gagne plus financièrement de ses relations avec l’Afrique anglophone - Afrique du Sud et Kenya en particulier - qu’il ne le faisait avec ses anciennes colonies, mais il prévient : « on assiste à une multiplication des modèles d’exception à la française : la relation avec la Chine est tout aussi corrompue ; la chasse gardée, le privilège français est devenu mondialisé ».

Membe ajoute que selon lui, le palissement de l’étoile française est surtout au fait que la France elle-même est entrée dans un processus de provincialisation, de conservatisme culturel et de retrait des affaires du monde - et ce, bien que sa langue continue d’être dominante en Afrique, et malgré l’existence d’une diaspora de lettrés africains.

Toujours pour Membe les « révélations de Robert Bourgi », n’en sont pas vraiment en Afrique, où « elles n’ont pas été perçues comme un scandale » en raison du cynisme qui domine lorsqu’on évoque les relations franco-africaines dont on connaît depuis longtemps le déclin progressif.

« La géographie n’est plus centrée sur Paris... les Robert Bourgi sont les derniers spasmes d’un équation morte, à genoux, qui n’est plus historique mais anecdotique. La France va devenir une parenthèse ».

Mais il est n’est pas du tout évident que le système des valises soit terminé, ou qu’il ait perdu sa capacité à influencer l’histoire africaine.

Pour Smith la réputation-même de Sarkozy devint douteuse lorsqu’il barra d’un trait 40% des dettes du Congo et du Gabon, là où Chirac l’avait positionné à 8% seulement.

Effectuer des paiements à Sarkozy aurait donc constitué un « bon investissement de la part de leaders africains ». Si Sarkozy aussi est impliqué, la fin de partie jouée par Bourgi et consistant à déballer l’affaire des valises après 25 ans, et affirmant qu’elles se sont arrêtées avec Chirac, ne vise donc pas à salir Chirac. L’homme est mourant et politiquement fini.

Il s’agit donc plutôt de menacer Sarkozy tant qu’il est encore président, le forçant à permettre à Bourgi de se retirer en toute quiétude, sans craindre de poursuite, à 67 ans, dans sa demeure nouvellement acquise en Corse.

Les racines du système sont à chercher, selon Smith, dans le fait qu’à l’époque où les Européens sont venus en Afrique, ils se sont « déboutonné » enclenchant cette relation fondée sur la corruption. Mais il faut être deux pour danser le Tango, alors que dire du rôle des leaders africains eux-mêmes ?

« Si j’étais à leur place », reconnaît Smith, « je continuerai d’investir dans la France ». Car l’ONU, le FMI « continueront de se tourner vers la France quand il leur faut de l’aide, même si son bras de levier n’est plus aussi efficace. Les choix des présidents africains continuent d’avoir de l’importance. »

Il est clair que le système des valises va perdurer, pour s’élargir sans doute à de nouvelles puissances - USA, Chine, Brésil, Inde et Afrique du Sud - et ironie du sort, le taux de croissance du continent étant de 5,5 %, il est bien possible que la capacité de l’Afrique à influencer et corrompre les affaires politique augmente.

Michael Schmidt**

* Commentaires d’Ad Nauseam :

La dénonciation de la "Françafrique" et du colonialisme français en Afrique est assez rare pour que nous ayons jugé intéressant de reprendre ce texte de Michael Schmidt. Il nous semble cependant important de débusquer ici les analyses douteuses de Stephen Smith, et pour cette raison d’y adjoindre quelques commentaires.

Il nous semble donc nécessaire d’apporter les précisions suivantes :

Smith a d’abord été correspondant en Afrique pour l’agence Reuters et RFI. Il est entré au service Afrique du quotidien français Libération en 1986. Il est devenu ensuite responsable du service « Afrique » à Libération, en remplacement de Pierre Haski. En 2000, Stephen Smith a pris la direction du département « Afrique » du journal Le Monde ainsi qu’à partir de 2002 le poste de chef adjoint du service « Étranger ».

Début 2005 il a quitté ses fonctions au journal Le Monde. Il est depuis journaliste indépendant et professeur invité à Duke University. (Wikipedia).

Après avoir écrit avec Antoine Glaser un livre remarqué, Ces messieurs Afrique [Calmann-Lévy, 1992], Stephen Smith se sera particulièrement illustré pour sa couverture pour le moins ambigüe du génocide des Tutsi au Rwanda dans le quotidien français Libération, puis par la suite au sein du journal Le Monde. Il sera le journaliste apprécié de la Mitterrandie (partageant sur l’implication française au Rwanda les mêmes "analyses" qu’Hubert Védrine, l’ancien secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995 sous François Mitterrand, et donc y compris pendant le génocide...) et un bon relais de propagande et de désinformation de la diplomatie et de l’armée française.

Bien que de nationalité américaine, la France coloniale et militaire pourrait le remercier pour "services rendus" : Smith n’aura en effet eu de cesse de minimiser le rôle joué par la France dans la préparation et l’exécution du dernier génocide du XXe siècle (près d’un million de victimes), relayant dans ses articles la communication de l’armée et de la classe politique françaises, largement impliquées dans ce génocide. Smith apparaît ainsi, aux côtés de Pierre Péan, comme l’un des principaux soutien du travail de désinformation engagé par le juge Bruguière (lire à ce propos la revue La Nuit rwandaise).

"Depuis le génocide des Tutsi au Rwanda, le rédacteur en chef des pages Afrique du Monde n’a eu de cesse de jeter un rideau de fumée sur la culpabilité française dans ce crime, flirtant avec le négationnisme, déminant les dossiers chauds, distillant les faux scoops et les révélations qui arrangent Paris. Prémonition ou connivence ? La fréquentation assidue des sources ministérielles et des services secrets l’a transformé en une étrange boussole. Ses articles et ses ouvrages annoncent régulièrement les inflexions de la stratégie de l’État français. Il en est ainsi d’un certain journalisme « africaniste » à la française."

[Présentation du livre Négrophobie]

Entre autre faits remarquables, Stephen Smith aura écrit (et été récompensé pour cela par le prix Essai 2004 France Télévision !) un livre d’un racialisme sans équivoque, Négrologie : pourquoi l’Afrique meurt (en 2003). A ce livre, comme on peut s’en douter très apprécié par Pascal Bruckner et tout ce que compte la nouvelle droite réactionnaire qui dénonce en France la "tyrannie de la pénitence", sera apporté une réponse sous la forme d’un ouvrage collectif signé d’Odile Tobner, Boubacar Boris Diop et de François-Xavier Verschave (Survie) : Négrophobie - Réponse aux négrologues, journalistes françafricains et autres falsificateurs de l’information.

"Pourquoi des dizaines de milliers de lecteurs français (avec un jury littéraire prestigieux en guise de cerise sur le gâteau) acceptent-ils sans broncher d’avaler un discours racialiste, des simplifications ridicules (600 millions d’hommes traités comme un seul) et l’agitation du spectre du « Noir », où l’indigène prend bien évidemment les traits d’une brute sanguinaire et anthropophage, tandis que la femme fait une apparition sous les traits d’une dactylo paresseuse ? Pourquoi tout ce que notre pays compte de vigies antiracistes et d’associations des droits de l’Homme sont-elles restées muettes face à des pages qui auraient pu paraître telles quelles dans La Revue coloniale en 1883 et être saluées par le Congo de Léopold II ? Quelle nostalgie d’empire nous habite donc dès lors qu’il s’agit de l’Afrique ? À ces questions, les initiés de la Françafrique sont tentés d’en ajouter une autre : à quoi sert ce livre ? Car l’auteur de Négrologie, Stephen Smith, n’est pas n’importe quel journaliste."

[Présentation du livre Négrophobie]

Dans Négrologie, Smith reprenait déjà les mots d’ordres de la politique élyséenne officielle : "Le pré carré françafriquain est mort". Passant sciemment sous silence le fait que, depuis le génocide des Tutsi du Rwanda, en 1994, la France a été impliquée dans la guerre en République démocratique du Congo, dans les massacres au Congo-Brazzaville, dans les détournements angolais, dans les trucages électoraux au Tchad, au Gabon, au Togo, ..., dans les affrontements en Côte d’Ivoire et en Centrafrique, … Stephen Smith s’attache à minimiser le rôle de la France en Afrique, à prédire, encore et toujours, la fin de la "Françafrique".

Dans le texte de Michael Schmidt, on peut lire : "Sarkozy lui, veut mettre un terme à un « réseau d’intermédiaires », tels que Bourgi « agissant comme une diplomatie parallèle ». [Sarkozy wanted the “network of go-betweens” such as Bourgi, who had “operated as a parallel diplomat,” to end.] Apparemment, à en croire Michael Schmidt, ce serait Philippe Bernard, du Monde, qui aura relayé lors de ce débat à Duke University la communication de celui qui est encore à l’Elysée (et qui devrait, s’il n’est pas réélu, devoir répondre de son implication dans de nombreuses affaires de financement occulte...).

L’intervention de Smith, telle que rapportée ici, est encore plus significative : il s’interroge sur le "rôle des leaders africains eux-mêmes" dans le système françafricain et la "capacité de l’Afrique à influencer et corrompre les affaires du monde".

S’il affirme qu’il "est clair que le système des valises va perdurer", il semble s’inquiéter du fait que ce système se généralise à d’autres pays ("USA, Chine, Brésil, Inde et Afrique du Sud") et invite les "leaders africains" à continuer d’investir "dans la France" : "si j’étais à leur place, reconnaît Smith, je continuerai d’investir dans la France." ["If I was an African leader today," Smith admitted, "I’d still ‘invest’ in France (...)." [1] ]

Ainsi, le scandale de la Françafrique, ce n’est pas la perpétuation d’un système occulte de privation des indépendances africaines, ce n’est pas la guerre menée par la France contre les populations africaines pour leur imposer des dirigeants choisis selon l’unique critère de la docilité envers la puissance néocoloniale. Non, le scandale, c’est, comme nous l’apprend Stephen Smith, que les dirigeants africains, par l’entremise du système des "valises" et donc de la corruption, vont étendre leur influence. [Africa’s ability to influence and corrupt political affairs in the metropole may well even increase. [2] ]

Il y a péril en la demeure : ceux qui pensaient que le monde, comme les instances internationales (FMI, Banque Mondiale, ...), étaient dirigé par les "grandes puissances" (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Allemagne, Chine, ...) et leurs classes dirigeantes oligarchiques, apprennent, grâce à Stephen Smith, que les véritables maîtres du monde sont en réalité ceux que l’on pensait être des hommes de paille au service des intérêts stratégiques, économiques et militaires français - les Bongo, Billa, Sassou et consorts.

Et que leur influence sur les affaires du monde va, dangereusement, grandissante...

Merci à Stephen Smith pour cette brillante analyse !

** : Michael Schmidt, ex-Zabalaza Anarchist Communist Front.

A lire sur Ad Nauseam : ZACF : Anarchistes en Afrique du Sud

Précision : Nous ne mettons nullement en question ici l’intégrité de Michael Schmidt, sans doute peu au fait de pratiques françafricaine et du rôle joué dans les médias hexagonaux par Stephen Smith.

1. Un exemple de ces contes (en anglais) :

AngolaBiz.

2. Né à Dakar, dans une famille libano-française, il fut admis au barreau de Paris. Ancien conseiller de Chirac et Villepin, Sarkozy lui accordera la Légion d’honneur en 2007.

3. Jacques Chirac regularly received cash from African leaders.

4. Dans les années 1960s, il y avait 20 000 soldats français stationnés en Afrique. Ils sont 5 000 aujourd’hui, mais avec une capacité technique largement supérieure. Au Mali, toutefois, qui vient de vivre un coup d’Etat, la présence étasunienne est significative, tandis que les Français ont indiqué qu’ils n’interviendraient pas comme ils le faisaient par le passé. Sarkozy a rouvert la base militaire en côte d’ivoire qui sent largement la naphtaline, mais l’intervention française de 2011 se fit sous mandat de l’Onu.

Traduction : Cuervo (AL) - Repris du site : anarkismo.net

 12/08/2012

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