Réponse de la Solfed de Londres-Nord aux émeutes de Londres

Ad Nauseam - 17/08/2011
Image:Réponse de la Solfed de Londres-Nord aux émeutes de Londres

Emeutes en Angleterre
Solidarity Federation

Alors

que les médias stigmatisent l"anarchie" à propos du déferlement de la

violence à Londres et en Angleterre, la "Solidarity Federation" du

Nord-Londres a considéré qu’une réponse de la part d’une organisation

anarchiste active dans la capitale était nécessaire.

Les émeutes

ont causé des dégâts importants ces derniers jours à des quartiers de

Londres, à des devantures de magasins, à des domiciles et des

voitures. À gauche, on entend toujours les mêmes gémir que la pauvreté

en est la cause. À droite, que des voyous et éléments anti-sociaux

profitent de la tragédie. Les deux sont vraies. Les pillages et

émeutes vus ces derniers jours constituent un phénomène complexe et

comportent de nombreuses composantes.

Ce n’est pas par hasard si les émeutes se produisent maintenant, quand les

réseaux de soutien aux britanniques privés de représentation leurs sont

arrachés, et que les gens sont livrés à l’abîme, comme ils tombent rompus

sous les matraques de la police londonienne.

La fureur des quartiers [1] est ce qu’elle est, laide et incontrôlée. Mais

pas imprévisible. La Grande- Bretagne a caché ses problèmes sociaux

pendant des décennies, les a contenus avec une garnison brutale d’hommes

armés. Grandir dans les cités signifie souvent ne jamais les quitter, à

part à l’arrière d’une fourgon de police. Dans les années quatre-vingt,

les mêmes problèmes ont conduits à Toxteth [2]. Dans les années

quatre-vingt-dix, ils ont conduit aux émeutes contre l’impôt par

capitation [3]. Et maintenant nous les subissons de nouveau - parce que

les problèmes non seulement persistent, mais empirent.

Le harcèlement et la brutalité de la Police font partie du quotidien des

cités partout au Royaume-Uni. Les systèmes sociaux permettant à peine de

survivre se sont désagrégés et ont été retirés. À Hackney [4], les

travailleurs sociaux opérant dans la rue, qui venaient eux-même des cités,

connaissaient les jeunes et pouvaient travailler avec eux à résoudre leurs

problèmes, se sont vus signifier qu’ils ne seraient désormais plus payés.

Les loyers augmentent et les emplois aidés par l’État qui apportaient de

l’argent dans la zone ont été réduits au nom d’un transfert vers des

missions bénévoles dans le cadre de la "Grande Société" [5]. Les gens qui

eurent toujours très peu n’ont désormais plus rien. Plus rien à perdre.

Le rôle-même des médias dans tout ceci ne doit pas être minoré. Malgré

tout le discours de la "protestation pacifique" qui précéda les évènements

à Tottenham [6], les media n’auraient pas sorti l’histoire s’il n’y avait

eu en tout et pour tout qu’une manifestation silencieuse devant le poste

de police.

Les violences policières et les protestations en réponse surviennent tout

le temps. C’est seulement quand l’autre côté répond avec violence (sur des

cibles légitimes ou non) que les médias ressentent le besoin de leur

donner une couverture à tout prix.

Il ne devrait donc pas y avoir de surprise à ce que des gens vivant une

existence de pauvreté et de violence soient enfin partis en guerre. Il ne

devrait pas y avoir de surprise à ce que des gens pillent les écrans de

télé à plasma qui fourniront leurs paieront deux mois de loyer, et

laissent les livres qu’ils ne peuvent vendre sur les étagères. Pour

beaucoup, c’est l’unique forme de redistribution économique qu’ils verront

dans les années à venir en continuant une vaine recherche d’emploi.

On a beaucoup glosé sur le fait que les émeutiers attaquaient "leurs

propres communautés". Mais les émeutes n’éclatent pas dans un vide social.

Celles des années 80 tendaient à être dirigées d’une manière plus ciblées

 ; épargnant les innocents et se focalisant sur des cibles plus

représentatives d’une oppression de classe ou de race : la police, les

postes de police et les magasins. Que s’est-il passé depuis les années

quatre-vingt ? Les gouvernements consécutifs n’ont pas ménagés leurs

efforts pour détruire toute espèce d’idée de solidarité et d’identité de

classe. Est-ce donc une surprise alors si ces émeutiers se retournent

contre d’autres membres de notre classe ?

La "Solidarity Federation" est basée sur la résistance dans la lutte sur

le lieu de travail. Nous ne sommes pas impliqués dans le pillage mais, au

contraire des réactionnaires de droite ou même des commentateurs de gauche

sur le registre de la "compréhension-mais-condamnation", nous ne

condamnerons ni ne fermerons les yeux sur ceux que nous ne connaissons pas

pour avoir récupéré une part de la richesse dont ils ont été privés toute

leur vie.

Cependant, en tant que révolutionnaires, nous ne pouvons tolérer les

attaques contre les travailleurs, contre les innocents. Les incendies de

magasins avec des domiciles au-dessus, de véhicules utilisés par les gens

pour aller au travail, les agressions et tout ce qui s’en approche

constituent une attaque contre les nôtres et nous devons nous y opposer

aussi fermement qu’à n’importe quelle politique d’austérité du

Gouvernement, qu’aux propriétaires terriens qui spéculent, qu’aux patrons

ayant l’intention de voler notre travail. Ce soir et pour aussi longtemps

que nécessaire, les gens doivent se rassembler pour se défendre quand une

telle violence menace les foyers et les communautés.

Nous pensons que la colère légitime des émeutiers peut être bien plus

puissante si elle s’exprime dans une direction collective et démocratique

et cherche, non à faire d’autres travailleurs des victimes, mais à créer

un monde libre de l’exploitation et de l’inégalité inhérentes au

capitalisme.

North London Solidarity Federation, mardi 9 août 2011

Traduit par le SIA32 / CNT-AIT

La suite sur le forum Rouge et Noir

Notes

[1] Ndt : Nous avons traduit "estates" indiféremment par "quartiers" ou

"cités", car ces lieux sont des quartiers-nord du Grand Londres composés

de cités et de lotissements.

[2] Ndt : Toxteth est un quartier du centre de Liverpool ayant connu des

émeutes en juin 1981, initialement provoquées par l’arrestation sans

raison d’un jeune noir, Leroy Cooper, fouille observée par la foule qui ne

laissa pas faire, avec pour bilan la destruction de 70 édifices, 500

arrestations et 470 blessés.

[3] Ndt : la "Poll Tax" est un impôt forfaitaire par foyer ne tenant

compte, ni des revenus, ni du capital, créé par M. Thatcher en 1989 et

appliqué en 1990. Cette application d’une taxe très injuste pour les plus

faibles provoqua des émeutes à Hackney le 8 mars, à Brixton, Lambeth et

Islington puis à Trafalgar Square en plein centre de Londres le 31 mars

1990, ce qui provoqua la chute de la "Dame de fer".

[4] Hackney est un district au nord du Grand Londres, extrêmement pauvre,

au chômage élevé, ayant connu des émeutes dans les années quatre-vingt et

la consommation de crack parmi les jeunes dans les années

quatre-vingt-dix.

[5] Ndt : Traduction du projet de la "Big Society" proposé défendu par les

conservateurs de David Cameron depuis juillet 2010 et prônant un

désengagement de l’État au profit d’une société plus "mature" et engagée,

basée sur la charité, le mutuellisme et le volontariat, ce que ses

adversaires ont qualifié de déguisement cynique de l’abandon de

l’assistance grâce au discours sur une vigueur nouvelle de la société

civile.

[6] Tottenham est un quartier pauvre du district de Haringey, au nord du

Grand Londres, sur la rive gauche de la Tamise, et le lieu d’émeutes ce

mois-ci.

 17/08/2011

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